Garanti sans spoiler.
Vidé, déboussoulé et découragé. Voici, en quelques mots, le ressenti de milliers, voire dizaines de milliers de joueurs après avoir clôturé l’ultime chapitre de ce The Last of Us Part II. Personne ne ressortira indemne de cette narration éprouvante, épuisante, de ce scénario surprenant… décevant. Oui, The Last of Us Part II ne satisfera pas tout le monde. Peut-être qu’il laissera même les fans de l’original de côté, avec des choix étonnants, vous faisant carrément dévisser de ce à quoi vous vous attendiez. Régulièrement, vous vous direz : “Mais, cette séquence, elle était pas dans le trailer ?”. Oui et non. Elle a été volontairement faussée, tronquée, modifiée pour raconter une histoire, son histoire, celle que les joueurs voulaient. Un résultat presque trompeur, sûrement vicieux. Vous vous sentez floué ? Nous aussi. Et, en même temps…
Et en même temps, le dernier titre de Naughty Dog peut se le permettre. Le studio est l’un des rares à pouvoir tout se permettre, d’ailleurs. Même le fait de faire incarner aux joueurs, une communauté des plus réactionnaires, une lesbienne. Et de la montrer dans une scène quasi-charnelle. Une séquence si banale et pourtant si difficile à imposer à l’industrie du gaming, tant les hardcores cultivent l’art du bad buzz à chaque scène orientée LGBT. Rappelez-vous, ces leaks datés d’avril, qui, interprétés avec assurance, montraient une secte blanche et homophobe poursuivre Ellie, personnage principal de ce second opus.
Mais si The Last of Us Part II racontait effectivement cela, ce qu’il ne fait pas, ç’aurait peut-être été un mal pour un bien. Le mal et le bien, précisément, c’est ce que The Last of Us Part II refuse de montrer. La dualité, le manichéisme, les scénarios binaires… L’oeuvre de Naughty Dog les délaisse. Et à ce titre, il y aura résolument un avant et un après TLOU Part II. Un changement qui, certes, risque de laisser sur le carreau les gamers old school, qui cherchent avant tout une épopée épique. Mais qui pourrait, surtout, enfin porter à maturité le médium du jeu vidéo, dont le coeur de cible est coincé entre immaturité et intolérance. Mais je divague – en un mot comme en cent, et sans spoiler aucun, The Last of Us Part II est au gaming ce que Les Nerfs à Vif est au cinéma : un fantastique récit de vengeance – porté par des personnages magnifiquement écrits et interprétés – dont le dénouement choque autant qu’il interroge.
De chasseresse à proie
Si TLOU Part II n’a rien à envier aux ténors cinématographiques, il n’en reste pas moins un jeu vidéo au gameplay d’exception. Preuve qu’elle n’est pas qu’un film, l’exclusivité Playstation 4 est plus ouverte que jamais, et délaisse quelque peu l’aspect couloir du précédent pour toujours plus de zones à explorer et à piller. Rareté des ressources oblige, surtout en difficulté Survivant – que l’on vous recommande chaudement -, vous devrez constamment chercher des bouteilles, poudre ou lames pour crafter surins, bombes ou cocktails molotovs. Et croyez-nous : vous aurez besoin de toutes les ressources disponibles pour combattre les hordes d’ennemis et d’infectés qui vous poursuivront tout au long des 40 heures ( ! ) de jeu. Une longue aventure qui se justifie aussi par un nombre de séquences optionnelles assez ahurissant, entre zones secondaires dans lesquelles vagabonder et artefacts / cartes / pièces à collectionner.
Dans ces environnements qui fourmillent de détails, bien qu’ils se répètent un peu (disquaires, bibliothèques, rues recouvertes par la végétation, et rebelotte), Ellie se contrôle comme un charme et affiche une richesse de mouvements à faire pâlir la concurrence. Elle se dote même de gesticulations guerrières que l’on n’avait pas entreaperçus depuis Metal Gear Solid V – à savoir, la plongée au sol pour ramper et la visée allongée sur le dos. De nouveaux mouvements à associer avec l’attrait principal du système de combat au corps à corps de TLOU Part II : l’esquive. En une pression de la gâchette supérieure gauche, Ellie évite des coups quasiment imprévisibles.
Attention, spoils mineurs dans la vidéo ci-dessus.
L’imprévisibilité, c’est aussi la force du titre de Naughty Dog : malgré son aspect très classique, TLOU Part II s’offre le haut du panier en terme d’intelligence artificielle. Rarement un ennemi humanoïde n’avait semblé si réaliste dans ses comportements et dans ses déplacements. Mention spéciale, d’ailleurs, aux prénoms que crient chaque ennemi à la mort d’un de leurs alliés, qui renforce l’aspect narratif évoqué en amont. En difficulté Survivant, vous alternerez constamment entre proie et chasseur, fuyant à vue et égorgeant à foison.
Des égorgements qui démontrent d’ailleurs à merveille toute la violence dont fait preuve le titre, sans jamais tirer sur le gore gratuit. Si les gerbes de sang se font pléthore, c’est la localisation des dégâts qui impressionne. Qu’importe où le couteau se plante, il laissera une blessure sur le corps de l’ennemi ; quand une balle atteint une jambe ou un bras, l’individu visé sera en incapacité et pressera sa blessure ; lorsque vous ferez détoner une cartouche de fusil à pompe dans un visage, le crâne explosera en des dizaines de petits morceaux. Additionnez ça aux incroyables sensations des fusillades et à la rareté des ressources, et vous tenez là un formidable simulateur de survie, où chaque erreur peut se terminer en bain de sang.
Oeuvre fondatrice
Si l’on a jusqu’ici exploré le fond de la bête, place à la forme. Ne tournons pas autour du pot : The Last of Us Part II est le plus beau jeu jamais sorti sur console, et probablement sur PC. Pas le plus artistiquement réussi cela dit, avec son réalisme à outrance et ses environnements sans folie. Mais techniquement, le titre, en plus de tenir le 30 images par secondes constamment, affiche des expressions faciales impressionnantes. Un simple coup d’œil sur les trailers du jeu le confirme. Il propose également le système de végétation le plus élaboré de la génération – là où un Assassin’s Creed se contente de quelques touffes interactives, TLOU Part II les rend quasiment organiques pour une infiltration enfin convaincante. Enfin, trois derniers points accrochent l’œil : la distance d’affichage, la qualité des textures et la fluidité des animations. TLOU Part II est donc un bonheur pour les yeux qui ne sera chahuté que par les titres next gen qui se profilent. Jusque là, il règnera en maître.
Attention, spoils mineurs dans la vidéo ci-dessus.
Enfin, cerise sur le gâteau, le titre se dote des compositions musicales de Gustavo Santaollala, oscillant entre mélancolie et colère, et toujours adaptées aux différentes séquences de jeu. Le sound design, lui, est aussi bon que TLOU original, avec ses bruitages stressants d’infectés et ses sons environnementaux toujours dans le ton.
Au final, The Last of Us Part II est une aventure que peu oseront oublier. Piochant dans divers genres, de l’horreur au drame, de l’aventure au film de guerre, le titre de Naughty Dog impressionne par son éclectisme qui jamais ne lasse ni ne se perd. Avec son level design réussi, sa durée de vie hors norme, son impressionnante qualité d’écriture et son scénario surprenant, l’oeuvre de Naughty Dog marquera à jamais l’industrie comme étant celle qui a trahi les joueurs. Paradoxal. Et si bénéfique. La nouvelle référence, à n’en pas douter.
La note World is Small
20/20
Steve Tenré
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